Journée d’étude organisée par Sorbonne Université (HDEA / CeLiSo) qui réunira des doctorants et chercheurs en histoire, sociologie et linguistique dont le travail examine le lien entre émotions et politique aux États-Unis au cours des XXe et XXIe siècles.
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a été largement analysée sous l’angle d’une pratique populiste de la politique, qui ferait appel à l’émotion plus qu’à la raison. Depuis sa première campagne présidentielle, Donald Trump serait devenu le catalyseur du ressentiment et de la colère à l’égard des élites, tout en exploitant les peurs de son électorat, par exemple vis-à-vis de l’immigration.
Cependant, le lien fort entre politique états-unienne et émotion ne date pas de 2016. L’histoire du vingtième siècle en témoigne à de nombreuses reprises. Durant la Grande Dépression, Franklin Roosevelt considère qu’il est impératif de contrôler l’élan de panique des Américains, déclarant que « la seule chose dont nous devons avoir peur, c’est de la peur elle-même ». Les années 1950 sont marquées tant par la paranoïa du MacCarthysme, que par l’espoir suscité par le mouvement pour les droits civiques. Les mouvements contestataires des années 1960 et 1970 jaillissent d’une analyse des maux de la société états-unienne, mais s’appuient aussi sur des émotions : révolte contre l’injustice, empathie pour les victimes de la guerre du Vietnam. Dans les dernières décennies du XXe siècle, des paniques morales autour du crime et de la consommation de drogue alimentent un tournant punitif dans les domaines législatif et judiciaire.
Les propositions pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des axes suivants.
Axe 1. Climat émotionnel et climat politique, émotions légitimes ou illégitimes
Un premier axe visera à interroger les spécificités du climat émotionnel étasunien historiquement situé, au regard de la légitimité des émotions exprimées dans l’espace social. Comment les différents contextes socio-politiques des Etats-Unis, et les inégalités qui en font partie intégrante, dictent-t-ils les émotions dicibles et celles qui ne le sont pas ?
Cet axe interrogera aussi la façon dont la perception émotionnelle qu’ont les Américains de questions politiques peut être en accord ou en désaccord avec la réalité. En effet, les émotions ressenties ou exprimées par la population ne sont pas nécessairement en adéquation avec la réalité sociale objective (Duby 1970), comme en témoigne la perception du crime comme un sujet politique urgent, alors même que le phénomène décroît depuis les années 1990.
Axe 2. Les émotions comme levier d’action collective
Le second axe porte sur la façon dont émotions et politique servent de levier pour l’action collective. Qu’elles soient rationnelles ou non, les émotions poussent des individus et des groupes à agir d’une certaine manière. Elles peuvent créer une cohésion autour de mouvements sociaux et d’initiatives citoyennes, ou conduire à un repli sur soi (essor des gated communities, hausse des ventes d’armes, méfiance de l’autre alimentant la xénophobie, lois stand-your-ground).
Axe 3. Polarisation politique et émotions
Ce troisième axe ouvre une réflexion autour de l’effet de la polarisation politique sur les émotions, et vice versa, dans l’espace social américain. L’instrumentalisation de certaines causes politiques, via le recours aux émotions, a pu conduire à une accentuation de cette polarisation. Par exemple, depuis l’émergence de la Moral Majority, l’électorat évangélique blanc est moteur d’une polarisation accrue en agitant l’épouvantail de valeurs morales en perdition. En quoi la polarisation suscite-t-elle des émotions particulières ? Quel climat émotionnel spécifique fait-elle émerger, et comment ces émotions affectent-elles en retour la vie politique polarisée ?
Appel à communication complet :
- Les propositions de communication (résumé de 3000 signes maximum) doivent être envoyées avant le 15 janvier 2025 aux adresses suivantes :
amet.sorbonne@gmail.com
louise.chabanel@ephe.psl.eu
claravinh@gmail.com- Une réponse sera communiquée aux auteur·rice·s le 15 décembre.
Aurélien Amet, Sorbonne Université (CeLiSo)
Louise Chabanel, École pratique des hautes études
Sandrine Gengoux-Lauzat, Sorbonne Université (HDEA)
Anaïs Lefèvre, Sorbonne Université (HDEA)
Victoria Robert, Université Grenoble Alpes (LISCA)
Clara Vinh, Sorbonne Université (HDEA)