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Le 30 mai 2022, le pôle Canada et le pôle Washington de l’Institut des Amériques ont organisé leur première journée d’étude internationale, en partenariat avec Yves Laberge de l’Université d’Ottawa.

Cette journée portait sur la question de l’interaction linguistique entre français et anglais, et avait pour but de mettre en avant les travaux de jeunes chercheur.euse.s en sciences humaines et sociales sur cette question. En ouvrant un dialogue transdisciplinaire, le comité organisateur espérait préparer au mieux la table ronde “jeune recherche” qui aura lieu lors d’un prochain colloque en 2023, à Montréal.

Yves Laberge, sociologue, Université d'Ottawa, nous a fait le plaisir d’ouvrir cette journée d’étude en adressant la question du bilinguisme, devenu une sorte d’obligation dans nos sociétés actuelles, tant qu’il laisse parfois de côté les locuteurs monolingues. Ce problème qui prend place dans un pays comme le Québec par exemple, se propage désormais plus globalement dans nos sociétés modernes. C’est l’injonction au global English, l’anglais global, au détriment de certains dialectes et richesses linguistiques. Pourtant, il donne également lieu à des phénomènes langagier intéressants, comme le franglais.

D’ailleurs, Yathreb Grira doctorante à l’Université de Sousse (Tunisie), a ouvert les présentations de cette journée, en présentant ses recherches sur le franglais. Résultat du contact entre l’anglais et le français, le franglais est défini par l’usage d’anglicismes au milieu d’une conversation en français. La chercheuse a discuté la fracture générationnelle qui caractérise ce phénomène, et la question de l’idéologie linguistique. En effet, des institutions comme l’Académie française refusent ce genre d’évolution, alors même que certains anglicismes comme “parking” ou “shopping” sont entièrement intégrés à la langue française.

Samantha Lemeunier, doctorante en littérature américaine à l’Ecole Normale Supérieure, a présenté ensuite ses travaux sur les usages du français dans les œuvres de William Carlos Williams. Elle a insisté sur la place d’un français anglicisé, qui contribue à rendre compte de l’égarement ressenti par Williams lors de son passage en France. L’usage du français dans un poème en anglais lui a en effet permis de créer un phénomène d’étrangeté vis à vis de la langue. Grâce à cette présentation, chaque participant.e a pu prendre la mesure de la portée d’un travail transdiciplinaire : Samantha a évoqué des questions linguistiques, poétiques et historiques, qui faisaient écho aux travaux de chacun.e.

Après cette dernière, Hill Ismail de l’Université de Bourgogne a exposé son étude sur la néoténie linguistique et les rapports entre français et anglais. Il a notamment évoqué les interférences, c’est-à-dire les situations dans lesquelles une des langues d’un locuteur bilingue s’imisce dans l’autre. Typiquement, utiliser “actually” en anglais au sens d’ “actuellement” en français est une interférence. Les interfèrences produisent un changement sémantique là où ce n’était pas nécessaire, et peuvent arriver de manières assez différentes : changement de l’ordre des mots, invention de mot-valise, traduction littérale d’expressions idiomatiques…

Enfin, Ouidad Bounouni de l’Université de Bejaia (Algérie) a clôturé les présentations par son analyse des usages de l’anglais par les instagrameuses algériennes. Ce travail pratique lui a permis de tirer certaines conclusions, notamment sur le fait que ces anglicismes étaient le plus souvent facultatifs, c’est-à-dire qu’il existait une traduction usuelle en français portant le même sens. Selon elle, cet usage marque à la fois la particularité du contexte linguistique algérien, très riche,  la nécessaité pour ces instagrameuses de parler à un public plus jeune et de paraître “cool”.

La journée s’est conclue par une discussion commune, où les participant.e.s ont discuté du lien entre leurs exposés, notamment sur la question de la norme linguistique, qui évolue au fil du temps et des contextes. Les règles de la langue sont remises en question lors des interactions linguistiques, comme cela a pu être le cas pour le développement de certains dialectes devenus langues, comme le créole par exemple.

Yves Laberge a ensuite rebondi sur la question de ce qui fait norme. Il cite notamment Bourdieu pour aller plus loin, et sa théorie de l’habitus. L’usage d’une seule langue ou de plusieurs, le fait de changer de registre ou de code, c’est faire usage d’un pouvoir symbolique. La langue est un marqueur social en plus d’être un outil d’interaction. La table ronde “jeune recherche” qui sera organisée lors du colloque prévu en 2023 sera l’occasion d’échanger sur la question de la norme linguistique et de ses conséquences, notamment l’exclusion ou l’inclusion de certains groupes. Les coordinatrices du pôle Washington et du pôle Canada espèrent y retrouver les quatre jeunes chercheur.euse.s qui ont présenté leurs recherches lors de cette journée d’étude, et les membres du public.

Journée d'étude
30 mai 2022
Com o apoio do IdA
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