Dans le cadre de l’exposition “El fúturo detrás. Imaginación política después del estallido del 2001”, le pôle Cône Sud de l’Institut des Amériques coordonné par Marjolaine David-Briand, soutient les activités publiques de l’exposition, visible jusqu’au 2 avril au Parque de la Memoria à Buenos Aires. Le samedi 17 mars, s’est déroulée l’activité intitulée “Toni Negri y el 2001 argentino. claves de lectura”, une conversation entre Luis García, Sebastián Scolnik, Verónica Gago, Hernan Ouviña et Ana Longoni autour des formes de militantisme de 2001 et de leurs affinités et interactions avec la pensée de Toni Negri.
La conversation a permis de mettre en lumière la fertilité de la pensée du philosophe italien pour comprendre les événements politiques de 2001 et l’importance des catégories d'analyses postmarxistes qu’il proposa dans le livre Império publié en 2000 avec Michael Hardt pour interpréter le contexte socio-politique argentin à ce moment-là et les modes résistances micro et macro qui émergeaient face à la violence néolibérale globalisée.
Les invité.es ont notamment souligné l’importance de s’opposer aux lectures négatives de la crise de 2001 qui l’abordent comme un moment apolitique, pour penser cet événement comme un processus de politisation intense, recourant, face à la précarité du quotidien, à des stratégies militantes et de survie inédites et extrêmement créatives. Ainsi le slogan “que se vayan todos”, selon Sebastian Stolnik, n’était pas tant un cri apolitique contre les classes dirigeantes couplé d’un refus de la représentation politique sinon un reflet de la nécessité pour chacun et chacune de quitter le rôle qu’il.elles occupaient dans le société néolibérale de la fin des années 90 qui mena à la crise sociale économique et politique de 2001.
La conversation a aussi permis aux invité.es de revenir sur leurs expériences de résistance et de militantisme lors de la crise de 2001. Veronica Gago et Sebastian Stulnik ont notamment participé à la création du Colectivo Situaciones qui mis en pratique et théorisa le concept de “recherche militante”. I.elles ont rappelé qu’à ce moment-là, leur praxis de la recherche était totalement liée et réinventée par le contexte d’ébullition politique. I.elles ont aussi donné une place nouvelle aux acteur.ices des mouvements sociaux dans leur économie de la recherche, ainsi qu’à la lecture collective, à l’éducation populaire et la diffusion des réflexions théoriques via des publications artisanales.
La conversation s’est terminée par une réflexion sur le concept d’autonomie, remplaçant notamment le débat avec le populisme et l’entendement de l’autonomie comme une position politique qui permet de considérer une institutionnalité élargie, au-delà de l’état, à l’image des auto-institutionalités populaires. La série de questions et le débat suivant la table ronde ont replacé la pensée de Toni Negri en perspective avec les événements actuels suite à l’élection de Milei et à la mise en place de la stratégie du shock, tant économique que psychologique et épistémologique. Les participant.es ont ainsi appelé à une nécessaire réincarnation de la langue politique, un retour aux territoires et à une décélération pour faire face au capitalisme de plateforme et à l'accélération violente du temps de la politique nationale et globale.